jeudi 23 décembre 2010

19 février Fête nationale de la Savoie

En ce 19 février qu’il a fait jour de fête, rendons à nouveau hommage à Henri Dénarié. Un personnage entré dans cette histoire de Savoie dont il nous parlait sans puiser son inspiration dans l’Education nationale.
Quelle idée à la con il a eu d’aller se faire opérer du cœur. A huitante-sept ans, comme il aurait dit. On l’avait pourtant vu, quelques jours avant qu’il ne parte à Grenoble pour se faire faire un pontage, et il était plutôt en forme. Toujours avec sa gouaille unique, sa façon inimitable de s’en prendre perpétuellement, avec une mauvaise foi souvent flagrante mais tellement attachante, à ces françouillards rencontrés à la Poste, à la banque, dans la rue et finalement à l’hôpital. Sa rengaine favorite ? « Ah, les Français, ils se croient toujours les meilleurs en tout, sur tout et partout ! » C’est pourtant bel et bien en Français fier de l’être qu’Henri Denarié quitta sa ville d’Annecy en 1936, âgé d’à peine dix-sept ans, pour rejoindre l’Espagne.
C’était l’époque du Front populaire, qui l’a fortement marqué. « La taille au-dessus de 68 », peut-on lire dans un petit texte qu’il a laissé à la postérité. Ce jeune libertaire s’amusait alors à aller vendre La Calotte, feuille de chou anticléricale, devant les églises d’Annecy, Rumilly ou Chambéry. « Ça ne marchait qu’une fois. Et j’avais comme roue de secours une bonne bicyclette et les mollets rapides. » Mais le voilà donc parti pour l’Espagne afin d’y faire la guerre, côté républicain. « Au plus profond de l’Hispanie, j’ai pu comprendre la valeur de l’historicité des provinces, qui vous révèle l’ineptie des réalisations départementales françouillardes. J’en revins sain et sauf. Et pour moi, ce fut un temps merveilleux. »
De Mauthausen à la Savoie
Trois jours après son retour en France, il est conduit au bureau de police et se retrouve fiché au « Carnet B ». C’est qu’en ce temps là les membres des brigades internationales n’ont pas vraiment la cote. En raison de ce fichage, en 1942, il est mis en résidence forcée à Sallanches par l’Etat français. Et le 2 mars 1944 il est arrêté avec dix autres présumés terroristes par la police judiciaire qui le remet à la Gestapo. Il subit alors trois heures durant la baignoire, il a la plante des pieds tranchée au couteau, mais jamais il ne parlera et il ne donnera personne. « Si je n’avais plus de muscle, j’avais l’esprit intact et je ricanais de leurs questions et tortures. » Le voilà maintenant en partance pour le camp de Mauthausen d’où, après une évasion qui tourna court, il sera libéré par les Américains le 5 mai 1945, pesant alors 35 kilos. C’est dans ce camp que Henri apprit, de la bouche d’un comte autrichien, que la Savoie était en fait un pays qui avait compté de grands hommes comme le fameux prince Eugène. Alors français jusqu’au bout des ongles et ignorant tout de l’histoire de Savoie, comme la plupart de ses compatriotes, Henri se promit de chercher à savoir ce qu’il en était. De retour à la vie civile, il repris son métier d’ajusteur qui allait le conduire à Paris, en Suède, en Espagne puis en Suisse où il finit cadre supérieur. Mais avec toujours en tête cette Savoie. « En 1962, je me décidai à connaître son histoire. A l’époque, à Annecy, on ne trouvait rien. Cette marchandise-là était pour l’ELITE du pays, pas pour un type estampillé bon pour la production industrielle. J’ai donc entrepris de trouver cette histoire, hors des explications des hagiographies. J’ai tellement insisté que je connais, depuis, parfaitement l’histoire POLITIQUE de la Savoie, à telle enseigne que, sans complexe, je peux affronter “l’élite” savoyarde. Que je n’écris plus qu’en minuscule, et dans l’expression péjorative, avec suffixe en ard ». La suite, elle arrivera en 1968 et ça s’appellera Savoie Libre. Mais on vous la racontera plus tard, ça permettra à Henri d’être une fois de plus dans la Voix.
Brice Perrier
Article publié dans le numéro 12 de la VDA (printemps 2007)

Te voici duc, Amédée

L’élévation de la Savoie en duché, sous le règne d’Amédée VIII, fait entrer la Savoie dans la cour des grands. Pour Henri, c’est un événement qui vaut bien le 14 Juillet.
Le 19 février 1416, quatre siècles de fidélité au Saint Empire romain germanique sont récompensés. Comme la Bavière ou l’Autriche, la Savoie, en devenant duché, devient un Etat souverain au sein de l’empire. Elle aura désormais droit de vote à la diète, comme les nations ont aujourd’hui droit de vote à l’ONU. Un événement énorme, mais méconnu. A l’époque, les factions commencent à déchirer la Françie. La guerre civile bat son plein dans un royaume à moitié conquis par les Anglais. La confusion règne au sein de la papauté car trois papes portent la tiare. Coté Saint Empire, Sigismond de Luxembourg et Josse de Moravie sont candidats au titre d’empereur. Et en Savoie, le compte Amédée VIII profite de la tranquillité qu’il retire de tout ça. Il accroît son domaine tout en perfectionnant l’administration du pays. Sa noblesse ne manque pas une occasion de briser des lances pour mieux acquérir renommée. Amédée soutient le roi de Hongrie contre les Turcs, puis les Franciens contre les Anglais. Et il supporte Sigismond, déjà reconnu comme roi des Romains.
Le Salomon de son époque
Les conseils d’Amédée VIII sont toujours suivis. On le nomme le Salomon de son époque. Il appuie de son autorité l’université de Paris dans son désir de terminer le schisme de l’Eglise. Sigismond, lui, parcourt l’Europe afin de convaincre chacun d’élire un pape ayant l’agrément de tous. Il entreprend ainsi de rendre visite en Aragon à Benoit XIII, qui refuse de se démettre. Amédée l’accompagne et lui facilite le voyage en mettant à sa disposition à Seyssel huit barques superbement parées pour descendre le Rhône. Le futur empereur envisage alors de procéder à l’élévation d’Amédée au rang de duc à Lyon, comme pour rappeler les anciens droits de l’empire sur cette ville. Mais il se rabat sur Montuel où, sur un territoire qui la veille encore était francien, il fait acte d’autorité et élève la Savoie en duché à la fin juillet de l’an 1415. Quelques mois plus tard, il devient empereur et va vite se rendre en Savoie pour officialiser la création du duché. Mais aussi pour se « prévaloir des lumières d’Amédée VIII » en vue de ses futurs voyages à Londres et à Paris, destinés à réconcilier deux rois.
Au moins huit départements français
A Chambéry, un théâtre est construit pour la cérémonie. Des tournois sont organisés durant plusieurs jours. En faisant d’Amédée un duc héréditaire, Sigismond élève aussi la Savoie qu’il décrit comme un être vivant dont il énumère les villes, les châteaux, les villages, les montagnes et les collines, les forêts et les taillis, les lacs et les fleuves, les barons et les vassaux, les paysans et cultivateurs, mais aussi nos bestiaux qui, tous, contribuent à la vaillance et à la loyauté de la grande patrie de Savoie. Une terre qui s’étend de Mâcon aux limites du Piémont et des confins de l’Helvétie allemande à la Méditerranée. L’équivalent d’au moins huit départements français, beaucoup plus que n’ont jamais compté les duchés de Bretagne, de Lorraine ou même de Bourgogne. Ceci explique que, en ce 19 février 1416, la Savoie soit haussée au rang de grande puissance. En 1972, j’ai considéré que cet événement, sans doute le plus considérable de toute notre histoire, pouvait constituer notre fête nationale, plaçant la Savoie sous la prédominance du pouvoir civil. Cette invention, faites par le titulaire d’un CAP d’ajusteur, personne parmi l’élite n’y avait songé depuis 1416. Elle a fait depuis son chemin.
Henri Dénarié

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